Intégrer l’IA dans les établissements de santé pour un parcours de soin toujours plus adapté

La médecine moderne se doit d’évoluer vers une médecine 4P (Prédictive, Préventive, Personnalisée et Participative) afin d'apporter une réponse adaptée aux défis épidémiologiques, sanitaires et économiques auxquels nous faisons face. Les approches du machine learning sont désormais possibles grâce à la très forte croissance des données de santé. Qu'elle soit d'origine clinique, génétique, issue d’un diagnostic, ou bien qu’elle provienne des objets de santé connectés, la data crée un ensemble informationnel riche à exploiter. L’IA permet de qualifier, croiser et analyser ces données. De ce fait, les professionnels de santé pourront en tirer des pistes thérapeutiques, bien plus rapidement et efficacement qu'auparavant.
La place de l’IA dans la médecine 4 P
Dans la médecine personnalisée, le développement des outils numériques joue un rôle essentiel, notamment via la récolte et à l’analyse de données, permettant une médecine de précision. Praticiens comme patients pourront ainsi bénéficier d'un véritable tableau de bord de santé. Par exemple, dans le cadre de l’imagerie et de la prédiction d’évolution des tumeurs cérébrales, l’IA est capable de comparer les résultats de l’imagerie à celles de quelques centaines de patients, grâce à la vision par ordinateur. En fonction de l’image et de ses différents composants, il lui est possible de fournir une prédiction de l’évolution de la tumeur. Les médecins peuvent alors adapter en conséquence la dosimétrie des rayons, afin de limiter leur effet sur les neurones sains tout en renforçant le traitement au sein de la tumeur.
La médecine préventive se situe au croisement du Big data, de la technologie et de la médecine. Des outils tels que les objets connectés peuvent améliorer la prise en charge des patients, en aidant lors du suivi et à l'évaluation de certains troubles/pathologies. Ils peuvent également jouer un rôle dans le dépistage précoce de certaines maladies. Sont présents sur le marché des objets tels que les balances, tensiomètres, oxymètre, glucomètres, piluliers connectés. Ils permettent au médecin et au patient d'accéder, via une application, aux données de santé le concernant, permettant ainsi de faciliter le diagnostic, d'assurer un meilleur suivi, de suivre les traitements et parfois même de prévenir certaines pathologies.
Médecine prédictive : l’émergence de nouvelles innovations qui permettent de générer et d’analyser des données de santé d’un grand nombre de patients offre de nouvelles perspectives dans la médecine. Par exemple, les progrès en génomique (permis par le séquençage du génome) ont déjà contribué à l’identification des mutations génétiques contribuant ou à l'origine de certaines tumeurs. Connaître ces spécificités génétiques et moléculaires, ainsi que l'ensemble des facteurs de risques liés aux habitudes de vie et à l’environnement du patient, peut améliorer la surveillance et la détection précoce de certains cancers chez les patients à risque, et de proposer des traitements personnalisés. Ces données peuvent être analysées grâce au recours à des algorithmes de modélisation. Ils permettent d’affiner les paramètres menant au diagnostic, de définir le bienfait des traitements administrés et d’estimer, voire de prédire les durées et les conditions de survie de chaque patient.
Médecine participative: Les objets et applications connectés ont un côté ludique qui incite à la participation des sujets. A mesure qu'ils visualisent les résultats de leurs efforts (changements de comportements) ; ils sont d’autant plus ambitieux et motivés. Cela permet également d’obtenir de nouvelles données qui affinent les algorithmes, les prédictions et les prises en charge personnalisées. Ainsi, les patients sont responsabilisés face à la maladie.
L’analyse de documents grâce à l’IA, pour un parcours de soin optimisé.
Jusqu'à présent, la recherche et l’amélioration des parcours de soins sont limitées car la plupart des dossiers médicaux sont constitués de textes libres (comptes-rendus hospitaliers, observations médicales, etc.), rendant leur analyse à grande échelle très fastidieuse et chronophage.
Dans son projet 2018-2022, le CHU de Toulouse a pour ambition de se positionner en tant que producteur de données de santé. Pour les analyser, l’établissement désire démocratiser l’utilisation de l’IA. Ainsi, ils aspirent à mettre au point, au sein de leurs services, des modèles prédictifs de machine learning capables de diagnostiquer et d’anticiper plus facilement certaines maladies. Désormais, dans le troisième meilleur hôpital de France, l’analyse textuelle des dossiers de santé est rendue possible grâce à trois IA mises en place par une société spécialisée dans le domaine. Elle est testée dès 2020, parmi les patients victimes de traumatisme crânien. Ce projet fait partie des 10 lauréats de l’appel à projets du Health Data Hub et le Grand Défi du Conseil de l’Innovation sur le thème « l’IA pour une expérience améliorée du système de santé ». Il est intitulé APSoReN, pour « Amélioration du Parcours de Soins du patient traumatisé crânien par développement d’un modèle d’intelligence artificielle en Réseau de Neurones appliqué à des jeux de données massives ». APSoReN a été sélectionné dans la catégorie : « Développement de modèles de populations pour la prévention ou la thérapie fondés sur des techniques innovantes d’analyse de données ».
Ce projet innovant vise à représenter, à l’aide de l’IA, les parcours de soins des patients atteints de traumatisme crânien. Ceci permettrait de repérer les éventuels risques de mauvaises prise-en-soins et surtout de leur offrir un suivi adapté et personnalisé. Pour se faire, l’IA structurera automatiquement les informations cliniques contenues sous forme textuelle dans les dossiers médicaux du CHU de Toulouse. Puis, ces données seront couplées à celles du Système National des Données de Santé (SNDS).
Grâce à l'avènement des nouvelles technologies, chaque personne pourra être associée à un cloud de données qui lui est propre. De puissants outils informatiques et des modèles complexes sont nécessaires pour transformer ces données en informations intelligibles, ainsi que pour extraire des renseignements pertinents à l’interprétation de l’état de santé d’un individu. Le Big Data et l’IA bouleversent les processus de diagnostic d’une maladie, la manière dont on peut déceler les symptômes et bien plus encore. Dans ce contexte, le respect de la réglementation relative à la protection des données personnelles, à l’information du patient et au respect des droits « informatique et libertés » est essentiel.
Les chatbots au service des établissements de santé
La transformation numérique menée par la Direction Informatique du CHU de Toulouse a principalement pour but d'optimiser le temps des professionnels de santé, afin d’améliorer leurs conditions de travail au quotidien. Ainsi, les outils tels que la dictée vocale sont vite apparus comme une solution efficace. Dans le cadre de sa transformation organisationnelle, la DSI du CHU de Toulouse a ainsi expérimenté deux solutions de reconnaissance vocale cloud, basées sur l’IA conversationnelle. Ces solutions ont été mises à la disposition de plusieurs services : Ressources humaines, direction médicale, soignants, assistants médicaux… Automatiquement établi lors de la première connexion, le profil vocal est mis à jour en temps réel. Par ailleurs, ces applications sont hébergées dans le cloud, ce qui rend possible son utilisation par les praticiens, peu importe où ils se trouvent. La dictée vocale réduit considérablement le délai de rédaction des courriers et des comptes rendus destinés aux patients. Une aide essentielle pour documenter de façon simple et précise les dossiers et surtout gagner un temps précieux. Leur ergonomie et la précision dont ils font preuve ont renforcé leur utilisation chez les praticiens, notamment grâce à la qualité de la reconnaissance de la terminologie médicale par l’IA, mais aussi grâce à l’accès à distance du profil vocal.
Largement plébiscité, le système de reconnaissance vocale a été adopté par près de 85% du personnel au cours de sa phase de test. L’IA conversationnelle permet d'enrichir le dossier médical du patient en temps réel. Grâce au cloud, les informations cliniques peuvent être partagées rapidement et à grande échelle, par exemple avec les médecins de ville. La cohésion du parcours de soins du patient est ainsi assurée.
En conclusion, l'IA au service de la médecine 4P la rend plus précise, plus personnalisée, plus prédictive et plus préventive. L'objectif est donc de mieux soigner le patient, sans toutefois remplacer le médecin dans ses qualités humaines spécifiques, telles que la compassion, la conscience professionnelle et l’esprit critique.